Histoire de Trizay

Histoire de l'abbaye cistercienne de TRIZAY

Si sa date de fondation varie selon les historiens: 1117, 1124 ou 1132, on connaît sa date de consécration: le 15 août 1145. Hervé de Mareuil seigneur local souhaite assurer son salut et celui de sa famille et cède des terres aux moines afin qu'ils édifient cette abbaye. D'autres seigneurs voisins complètent son don.

 

Comme toutes les abbayes cisterciennes, elle est consacrée à Marie. Elle est nommée précisément dans la Gallia Christiana: "Sancta Maria de vado Trisagii" : "Sainte Marie du gué de Trizay".

Dans le système de filiation, Trizay est fille de Pontigny, soeur de l'abbaye de l'Etoile à Archigny dans la Vienne et mère de l'abbaye des Châteliers de l'Ile de Ré.

La réforme cistercienne implique le retour à la règle de Saint Benoît: simplicité et humilité. Majesté des volumes et absence de couleurs.

Dans les étapes mouvementées de la vie de l'abbaye, notons les Guerres de Cent Ans qui firent vivre les moines dans un climat d'insécurité et les obligèrent à reconstruire la salle capitulaire; plus graves encore, les dévastations lors des guerres de religion par un châtelain dont les descendants devaient finalement se convertir au catholicisme...

On trouve également relatée, et elle relève du fait divers, la venue d'André Tiraqueau, dépouillé sur la route de l'abbaye par vengeance d'un particulier.

Il faut attendre deux siècles pour qu'une restauration conséquente soit enfin mise sur pied. Le fronton de la façade sud indique DLBP ANNO 1770, date de l'arrivée en France de Marie-Antoinette à la Cour âgée alors de quinze ans et de son mariage avec le futur Louis XVI. Mais la Révolution interrompt les travaux...Se cacheront alors dans ou près de l'abbaye de Trizay ceux dont l' engagement compromet la sécurité, le marquis de la Coudraye, partagé entre ses droits et privilèges et des aspirations réformatrices (Mémoire en faveur du Cardinal de Rohan, Mémoire contre la Corvée), et recherché pour prendre la tête de rassemblements paysans, et le curé Desplobains qui célèbre des messes clandestines non loin de là.


De la riche bibliothèque telle qu'elle fut inventoriée en 1790, il nous reste aux Archives Nationales la liste exacte de tous les 415 ouvrages qui la constituaient, et l'oeuvre écrite par l'un de ses derniers moines, Dom Le Rouge à qui la publication des Principes du Cultivateur et Voyage aux Pyrénées valurent une certaine célébrité. Deux états des lieux nous sont parvenus, le premier est le bilan des saccages dûs aux Protestants, daté de 1570, l'autre, l' inventaire et descriptif des biens de 1790. Un cadastre suit, de 1825.

Il reste aussi de la visite d'Octave de Rochebrune en 1866 une eau forte qui permet de reconstituer le bâtiment de la salle capitulaire tel qu'il était encore visible au début du XXè siècle.

Bien des bâtiments ont disparu depuis longtemps ou encore assez récemment : moulin, colombier, petites et grandes écuries, chapelles latérales, grange basse, et ceux qui restent ont, à l'exception de l'aile conventuelle et du choeur de l'église, perdu de leur hauteur d'origine. Le parterre de la façade sud était il y a encore une dizaine d'années clos de murs.
Pourtant l'ensemble reste imposant, et a été inscrit en 1989 à l'Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques.

Un certain nombre d'hommes passionnés ont déjà travaillé et écrit sur Trizay: MM.Léon Chaigne, Michel Desmarcheliers, Maurice Bedon, Gilles Bresson, René Crozet, Michel Dillange, Charles Dugast Matifeux, Julien Rousseau, Jean de Raigniac.

De belles surprises nous attendent encore quand on sait que
des documents concernant l'abbaye se répartissent entre Archives nationales, Archives de la Vendée, du Vatican et que bon nombre d'entre eux n'ont pas encore été consultés,
et que
l'abbaye possédait des propriétés-hôtels, dépendances, métaieries, moulins, rentes et terrages- sur dix-huit paroisses
( Bournezeau, Champagne les Marais, Corpe, Mareuil, Les Pineaux, Puymaufrais, Les Redoux, La Réorthe, Rosnay, Sainte Hermine, Saint Jean de Beugne, Saint Juire, Saint Mesmin, Saint Ouen Des Gats, Saint Vincent Fort du Lay,Le Simon, La Vineuse).
Les liens particuliers tissés aussi entre abbayes-soeurs ont laissé des correspondances et autres documents précieux .

Bien des personnes continuent à nous révéler des détails que nous n'aurions jamais sus sans elles-et nous les en remercions vivement-elles avaient fréquenté de façon familière l'abbaye, parce qu'elles venaient jouer petites sur les lieux, parce qu'elles se souviennent de ce que disait leurs grands-parents : ainsi une porte de communication entre la cuisine et l'ancien réfectoire pourra être restituée, et le réseau hydraulique nous a été partiellement expliqué, car retrouvé lors de travaux des champs, il en va de même pour un canal d'amenée d'eau et les fondations du moulin, emporté par la crue de 1770, nous savons aussi qu'il restait de chênes multicentenaires, autour de l'abbaye et qui ont été coupés il y a quarante ans.

Notons aussi que cette abbaye cistercienne se trouve sur un ancien site celtique et sur l'emplacement d'une villa gallo-romaine.


Mystérieux collectionneur

Nous avons enfin accédé à l'inventaire de 1790 qui recensait outre les biens, les ouvrages présents à Trizay avant qu'ils ne soient dispersés. Un certain nombre d'ouvrages religieux, quelques uns cisterciens, mais bien plus une série d'ouvrages contemporains des dernières années de l'abbaye et qui montrent un esprit curieux du monde et des dernières inventions ou succès : réflexions sur la Turquie, l'Amérique, essais aérostatiques des frères Montgolfier (1784), romans traduits de l'anglais, et beaucoup de théâtre...
La question se pose donc, qui était donc cet amoureux de littérature et de nouveautés présent à l'abbaye au XVIIIè siècle?
Etonnantes aussi les signatures des moines qui attestaient l'inventaire de1790 "sincère et honnête"

Dom Doux, Dom Minet, Dom Potin et autres noms un peu étranges, une ultime plaisanterie dans cet épisode qui s'annonçait tragique?


Autre sujet d'étonnement enfin, si officiellement il restait cinq moines en 1790, d'autres moines se trouvaient plus souplement rattachés à l'abbaye: notamment Dom Lerouge, qui s'était installé à Paris, près de la Seine, en plein quartier latin et s'y trouvait si bien qu'il ne retourna peut-être plus à Trizay. Si nous perdons totalement sa trace avec la Révolution, d'autres moines connaissent une fin tranquille en quittant la France.